Par AUDE LE GENTIL
Infos et tuyaux à partager ? Ecrivez à Nicolas Camut, Aude Le Gentil et Arthur Nazaret | Voir dans le navigateur
— Patrick Pouyanné devant les sénateurs, notre liste de questions maison.
— Programmation énergétique : les sénateurs LR défient le gouvernement.
— Le G7 tente de parler d’une même voix sur le climat.
Bonjour à toutes et à tous, nous sommes le lundi 29 avril. Députés et sénateurs retrouvent aujourd’hui leurs sièges capitonnés de rouge, après deux semaines de vacances parlementaires. Nos collègues de Paris Influence en ont profité pour répertorier les échéances de cette fin de session parlementaire. Côté énergie et climat, les élus seront quelque peu désœuvrés, mais une initiative des sénateurs Les Républicains va pimenter l’agenda, on vous en parle plus bas !
TOTALEMENT VÔTRE. Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, est attendu à 17 heures par les sénateurs de la commission d’enquête dédiée à son entreprise et ses obligations climatiques. La firme aborde l’audition de manière “studieuse et sereine”, nous assure-t-on. Et de saluer des débats “respectueux” jusqu’à présent et “essentiels”.
Pour les sénateurs de gauche, trois thèmes se détachent en vue des auditions : la crédibilité sur le plan climatique, le respect des droits humains à l’étranger et la stratégie d’influence. Il n’y aura pas assez de deux heures pour fouiller, insister, relancer et pointer des contradictions, nous indique un collaborateur.
Pour leur souffler des idées, votre infolettre a demandé à des observateurs qui suivent de près TotalEnergies leurs questions pour Patrick Pouyanné :
— Antoine Laurent, chez Reclaim Finance : “Avez-vous reçu des aides de la part de l’Etat et de ses services diplomatiques pour obtenir des contrats à l’étranger et de quelle nature ? Vous prévoyez de consacrer un tiers de vos dépenses d’investissement dans l’expansion pétro-gazière en 2030 : refusez-vous de contribuer à l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris ?”
— Phuc-Vinh Nguyen, chercheur au Centre Energie de l’Institut Jacques Delors : “Quelle quantité de gaz naturel liquéfié (GNL) russe importez-vous, à destination de quels pays et pour quels montants ? Si demain des sanctions étaient appliquées vis-à-vis du GNL russe, quelle serait votre stratégie de repli ?”
— Edina Ifticene, chez Greenpeace, attend surtout “un vrai ping-pong sur les projets controversés à l’étranger et le lobbying et non des questions généralistes qui lui permettront de dérouler ses éléments de langage”.
Dernière minute : L’audition de Patrick Pouyanné devait être le clou du spectacle, mais finalement, ce sera François Hollande qui cloturera le cycle des auditions, le 27 mai, a appris votre infolettre.
NEW YORK, NEW YORK. Les sénateurs interrogeront peut-être Patrick Pouyanné sur ses envies d’ailleurs. Dans une interview publiée par Bloomberg vendredi, le dirigeant envisage pour la première fois une cotation principale à la bourse de New York. Il doit faire un retour “d’ici septembre” au conseil d’administration sur le sujet, selon un porte-parole du groupe. Le siège resterait, lui, à Paris.
Rien à voir avec le débat public français, assure la major, mais une réflexion de long terme face à un constat : en dix ans, l’actionnariat nord-américain a grimpé à 40% du capital tandis que les investisseurs européens se désengageaient, tombant à 44%.
Paris, c’est fini ? Il y a aussi une “grosse frustration”, poursuit ce responsable, de voir que “les investisseurs européens ne reconnaissent pas la transition énergétique de TotalEnergies à sa juste valeur”, arguant qu’“aucune entreprise pétro-gazières n’[en] fait autant”.
Aujourd’hui, réunion des ministres du G7 du Climat, de l’Energie et de l’Environnement, en présence de Christophe Béchu et de Franck Riester, à Turin.
A 14 heures, conférence de presse d’ONG environnementales sur “la diplomatie fossile de la France” en amont de l’audition de Patrick Pouyanné.
A 17 heures, audition de Patrick Pouyanné par la commission d’enquête sénatoriale sur TotalEnergies.
A 19 heures, débat de Maastricht, co-organisé par POLITICO, entre les têtes de liste des partis européens (retrouvez ici les analyses en direct de nos collègues bruxellois).
CHICHE, DES OBJECTIFS. Après l’Assemblée, c’est au tour du Sénat de défier le gouvernement. Les sénateurs LR ont déposé une proposition de loi sur les objectifs énergétiques de la France, a appris votre infolettre, confirmant une info de La Tribune. L’objectif est qu’elle soit examinée d’ici l’été, lors d’une semaine dédiée aux textes LR, nous confirme Dominique Estrosi-Sassone, patronne de la commission des Affaires éco.
L’objectif des sénateurs : “Puisque le gouvernement n’a pas daigné mettre la trajectoire énergétique en débat, je ne fais que continuer mon travail avec cette proposition de loi”, explique Daniel Gremillet (LR), qui a tenu la plume.
Les sénateurs ont repris plusieurs éléments de l’avant projet de loi travaillé par Agnès Pannier-Runacher, lorsqu’elle était ministre de la transition énergétique, et qui a été abandonné par les nouveaux ministres, nous confie un (autre) artisan du texte. Dans le détail :
— Maintenir l’atome à plus de 60% du mix d’électricité à horizon 2030, lancer la construction de quatorze réacteurs et étudier la possibilité d’en faire six de plus.
— Prioriser les éoliennes flottantes en mer, “en respectant les exigences de conciliation avec les activités économiques, la qualité des paysages et la préservation de la biodiversité”, selon la même source, avec un dispositif de partage de la valeur.
— Lancer une expérimentation sur les barrages hydroélectriques, avec un régime d’autorisations, à savoir celui espéré par EDF.
Mais encore, la sortie du charbon en 2027 “sous réserve de l’exigence de sécurité d’approvisionnement”, des dispositions en faveur de l’hydrogène issu des renouvelables ou du nucléaire et des batteries, des mesures de soutien aux collectivités…
Un sénateur perplexe. Vincent Delahaye (Union centriste), a appris l’existence de cette PPL grâce à mon collègue Alexandre Léchenet. Il ne cache pas sa surprise, alors qu’il mène une commission d’enquête sur ces mêmes sujets — “production, consommation et marché de l’électricité”, égrène-t-il — et que ses conclusions sont attendues pour l’été.
“Je ne comprends pas qu’ils puissent anticiper la fin de la commission d’enquête. De toute façon, je ne voterai rien avant la sortie de notre rapport. Qu’ils présentent cette PPL avant, je ne le comprends pas. Ils pourraient attendre la rentrée.”
DE L’ÉLECTRICITÉ DANS L’AIR. Les uns (à gauche) y voient le risque d’une flambée des prix, les autres (à droite et à l’extrême droite) y lisent une victoire allemande sur la France, quand d’autres encore saisissent l’occasion de pointer les changements de cap de leurs collègues (au sein de la majorité).
Le marché européen de l’électricité est devenu une des stars de la campagne européenne, et nous avons missionné notre expert maison, Vladimir Benlolo —qui avant de bûcher pour Playbook Paris — a écrit un mémoire dédié à ce marché, pour vous raconter tout ça.
“Sur le marché de Marseille, on prend mon tract quand je parle des factures d’électricité, pas quand je parle d’Europe”, confirme l’eurodéputée Marina Mesure (LFI), candidate à sa réélection. Le marché européen a l’avantage d’être un sujet mobilisateur pour les électeurs, préoccupés par leur pouvoir d’achat, mais aussi complexe et donc propice aux imprécisions volontaires.
NÉGOCIATIONS CLIMATIQUES |
DE L’AUTRE CÔTÉ DES ALPES. C’est un point d’étape important en vue de la COP 29 à Bakou. Les ministres du Climat, de l’Energie et de l’Environnement des pays du G7 se réunissent à Turin jusqu’à demain, pour tenter d’accorder leurs violons avant le grand raout des négociations climatiques, en novembre.
Duo de choc. Franck Riester, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, représentera la France lors des discussions climatiques en remplacement de Stéphane Séjourné. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, assistera de son côté aux discussions environnementales, notamment sur la pollution plastique.
Cocorico ! Au menu des échanges côté climat : la sortie des énergies fossiles et le soutien financier des pays riches aux pays du Sud.
Barrage nippon. La France, soutenue par le Royaume-Uni, pousse pour que les pays de l’OCDE se passent du charbon à partir de 2030. Une alliance franco-britannique qui devrait cependant faire face aux réticences du Japon, peu désireux de s’engager sur une date précise.
Minute, papillon. Le sujet du financement est “un point de tension majeur” au G7, selon un conseiller diplomatique. Les Etats-Unis veulent “se désengager de toute dimension contraignante relative au prochain objectif de finance climat”, qui doit être discuté à Bakou, au profit d’engagements volontaires. Il n’y aura donc pas de montants précis cette fois-ci, et renvoi aux échanges climatiques onusiens sur ce point — dixit ce même conseiller.
— Pour vanter le biométhane, GRDF s’offre une campagne publicitaire avec l’humoriste Jamel Debbouze. La Tribune raconte les coulisses.
— Entre nouveaux gisements et superprofits, Marianne décrypte pourquoi tout sourit aux géants du pétrole, pas pressés de passer au vert.
— L’Italie peut se passer du gaz russe et ne s’opposerait pas à des sanctions européennes. C’est ce qu’a déclaré le ministre italien de l’Energie à POLITICO, alors que la Commission envisage un nouveau paquet de mesures contre Moscou.
— La Tribune a fouillé dans les archives : en choisissant la voie réglementaire plutôt que parlementaire sur les objectifs énergétiques, le ministre Lescure contredit le député Roland.
Un grand merci à Vladimir Benlolo et notre éditeur Alexandre Léchenet.